Non, le rock progressif symphonique italien ne se limite pas aux années 70. Le genre a survécu à travers les décennies avec plus ou moins de bonheur tandis que de nouveaux groupes talentueux ont émergé en produisant épisodiquement des albums d’une grande qualité: The Wood Of Tales de Malibran (1990), Il Passo Del Soldato de Nuova Era (1995), In Ogni Luogo de Finisterre (1999), Il Grande Labirinto (2003) et LuxAde (2006) de La Maschera Di Cera, Vacuum de The Watch (2004), Discesa Agl’inferi D’un Giovane Amante de Il Bacio Della Medusa (2008), et Il Tempio Delle Clessidre (2010) pour n’en citer que quelques uns. Logos, qui s’est formé à Vérone en 1996, s’inscrit clairement dans la ligne du prog italien classique et ne souhaitait d’ailleurs au départ qu’interpréter la musique de Le Orme. Après deux autoproductions mineures enregistrées au tournant du nouveau millénaire et alors qu’on le croyait dissout une bonne fois pour toutes, voici que treize années plus tard, sous la houlette de son unique membre fondateur le chanteur et guitariste Luca Zerman, le groupe ressurgit avec ce disque intitulé L’Enigma Della Vita. Et le moins qu’on puisse écrire est qu’entre-temps, Logos a fait quelques progrès.
Antifona, premier titre de l’album, installe une ambiance spatiale avec des claviers éthérés à la Pink Floyd avant de se fondre dans le suivant, Venivo Da Un Lungo Sonno, qui marque l’entrée en scène de la rythmique. Le quartet comprend deux claviéristes qui, au lieu de se marcher sur les pieds, se complètent avec leurs différents instruments (piano, orgue, synthés, mellotron…) pour enrichir les textures fluides et vaporeuses d’une musique qui fait indéniablement voyager. Il faut attendre plus de six minutes pour que le chant (en Italien) fasse son apparition, c’est dire que Logos prend son temps. Au milieu du morceau, Fabio Gaspari se lance dans un splendide solo de guitare à la Andy Latimer qui déroulera ses fastes jusqu’à la dernière mesure. In Fuga, qui vient ensuite, démontre que le groupe a eu le temps de peaufiner avec soin ses arrangements et ses mélodies tant la musique coule avec grâce et facilité. Beaux soli d’orgue et de guitare emmêlés sur ce titre envoûtant.
Le reste de l’album réserve de belles surprises comme la plongée gothique sur Alla Fine Dell’ultimo Capitolo dont l’orchestration renvoie aux films fantastiques italiens; l’instrumental N.A.S. et ses synthés cauchemardesques; le piano électrique qui groove sur In Principio en évoquant Caravan et l’école de Canterbury; le piano acoustique en interlude sur le nostalgique In Quale Luogo Si Fermo’il Mio Tempo; ou encore l’arrangement exaltant de Completamente Estranei qui en met plein les oreilles dans un finale ambitieux. Décidément, ceux qui apprécient Camel, Eloy ou encore RPWL devraient succomber facilement au charme de cette musique.
Certes, tout n’est pas encore parfait: certains passages sont trop longs; d’autres trop répétitifs; dans certains morceaux, la voix de Zerman manque un peu d’assurance; et sur le titre éponyme, la caisse claire claque sur un rythme binaire sans imagination. Mais sur les 76 minutes que dure ce disque, c’est en fin de compte peu de chose par rapport à ce qu’on reçoit. Car la pugnacité a payé: tout en affichant une indéniable identité, Logos joue aujourd’hui à un niveau similaire à celui de ses modèles des 70’s et il peut désormais s’enorgueillir d’appartenir au petit cercle fermé des meilleurs groupes de rock progressiste italien.
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